Une phrase populaire dit que seul, on va vite, mais à plusieurs on va plus loin. Une chose importante se cache dans cette phrase. Non seulement, il y a l’idée qu’un individu ne peut pas repousser ses propres limites indéfiniment mais surtout, il y a l’idée qu’il peut faillir en chemin. Être seul à décider permet d’être plus rapide, plus réactif mais sans les autres, les décisions elles-mêmes peuvent perdre leurs sens. Au-delà de tout, l’être humain est une espèce sociable qui a besoin des autres. Déjà, pour élargir ses possibilités, accomplir des tâches et développer plusieurs choses dans un même espace-temps. Mais aussi, il a besoin de « chaleur humaine ». C’est un fait qui répond à des besoins biologiques et psychologiques. Pourtant, des sociétés développent l’idée que chacun peut s’autosuffire émergent depuis des décennies, créant cette théorie abstraite de l’individualisme. N’est-ce pas en contradiction avec la nature profonde de l’humanité ?
Désinstallation des rapports humains
Dans une société individualiste, une personne pourrait presque s’enfermer dans un lieu sans créer d’interactions avec d’autres humains. D’ailleurs, malgré certains échanges et une vie en société, la qualité des interactions s’étiole avec de nombreux intermédiaires (machines, argent, protocoles, mœurs…). Les moments où le lien pouvaient se créer sont remplacés peu à peu par des processus qui enlèvent tout affect. Dans l’individualisme, il n’y a donc plus de partage. Sans lui, aucune émotion ne peut émerger, aucun lien ne peut se renforcer. De ce fait, les éléments biologiques qui donnent de la joie et du bonheur (comme le sourire ou une accolade), se rarifient. Sans eux, une déconnexion se met en place. Les rapports humains perdent de leur essence, ce qui amène l’idée que « l’homme devient un loup pour l’homme ». Pire comme disait Sartre : « l’enfer, c’est les autres ».
Dans ce contexte où les interactions perdent de leur sens, on peut dire qu’une société individualiste développe l’envie de se défaire des autres. Mais sans les autres, on finit par ne compter que sur sa propre énergie. Celle-ci n’est pas illimitée, elle varie d’ailleurs en fonction du moral et de la forme physique. Sans connexion avec les autres, moins de partage et donc moins de belles énergies. En somme, cela crée à la longue une carence d’énergie (liée surtout à un moral au mieux neutre, au pire, en berne). Moins d’énergie, c’est moins de force vive pour avancer et/ou transformer positivement son environnement. L’individualisme repose sur l’idée que tout est possible seul alors que les rapports humains sont vitaux.
Dans ce type de société, une autosuffisance s’installe. Au début, la nature prend le dessus chez les enfants mais en prenant de l’âge, ces jeunes adultes sont bercés de désillusions. C’est d’ailleurs de cela que la société individualiste continue d’exister. Elle prône l’idée que les autres sont un danger, que les différences apportent des contraintes et qu’en somme, il vaut mieux éviter d’investir du temps dans les rapports humains. Cette autosuffisance est plus souvent un mécanisme de protection, s’associant à un effet de mimétisme pour rentrer dans le moule social. Or, si elle semble intéressante pour un « écorché de la vie » qui a préféré s’arrêter aux premières désillusions (amour qui fait mal, amitié brisée, rêves cassés par des proches…), elle va peu à peu montrer ses limites et ses méfaits. Car la nature est ainsi faite : un être humain a besoin des autres pour vivre et survivre. Plus généralement, un être vivant a besoin d’éléments pour s’alimenter. L’être humain mange pour vivre mais a d’autres besoins vitaux pour rester en bonne forme ; il doit aussi s’alimenter d’une chose invisible mais pourtant tout aussi vitale, cette chose que j’ai résumé par ces mots : « chaleur humaine ».
Une synergie vitale
La chaleur humaine est un concept qui peut englober d’innombrables bienfaits. En outre, elle ne demande aucune ressource ni aucun effort à la base. C’est une énergie simple et inépuisable mais faillible si elle ne dépasse pas le corps d’un individu ; ou si elle s’autosuffit. Il faut donc au minimum deux personnes libres de s’apporter leur chaleur humaine pour développer un feu bien plus grand. Deux corps réunis génèrent une chaleur encore plus forte. C’est aussi vrai sur le plan physique par l’effet de friction par exemple, que sur le plan métaphysiques avec deux esprits qui conversent. D’un côté, la nature profonde de l’être humain est d’aller vers les autres (sinon la solitude s’installe et se développe comme une maladie qui ronge de l’intérieur), c’est donc inné de s’apporter de la chaleur humaine mutuellement. C’est un mécanisme biologique qui s’est développé pour une raison simple : renforcer les liens entre les humains et les aider à survivre.
Dans un environnement malsain comme une société individualiste, on ne parle plus vraiment de survie, de chasse et de protection physique. De ce fait, certains mécanismes naturels semblent obsolètes au premier abord. Toutefois, on ne peut pas nier la biologie qui s’est développée depuis des millénaires. Sans elle, toutes les belles choses qui aident à la prospérité de l’être humain s’effondre : les règles fondamentales d’une espèce vivantes sont ancrées et ne peuvent pas changer du jour au lendemain. La chaleur humaine est donc ancrée chez les êtres humains et dans une société individualiste, elle est évincée en causant de graves séquelles psychologiques entraînant de profondes solitudes, dépressions et automutilations. Pire encore, on peut observer que si la chaleur humaine fonctionne un peu comme un aimant à la base, des dérives psychologiques développent une envie de rejeter les autres. Un comble puisque la chaleur humaine est sensée créer de l’attirance, de l’attraction saine entre chaque être humain. En d’autres termes, les individus se repoussent les uns les autres au lieu de se connecter.
Partager ou voler l’énergie ?
Au lieu de se mettre en synergie les uns avec les autres en connectant naturellement les corps et les perceptions métaphysiques, les membres d’une société individualiste finissent donc globalement par se repousser. On pourrait s’en tenir à cette conclusion mais il reste encore un élément plus complexe à observer. A force de se repousser, la chaleur humaine perd de son intensité dans chaque individu. Or, sans elle, les êtres humains se meurent « de l’intérieur ». Il y a une forme de robotisation, d’automatisation, de non-sens qui apparaissent… La chaleur humaine est source de bonnes intentions, de bien-être, de bonheur. Sans elle, il y a un vide qui s’installe. De ce fait, la machine biologique de l’espèce humaine met en place des mécanismes de survie pour s’adapter à ces carences d’énergie. Elle cherche un autre moyen pour survivre à ce manque. Quelque chose de nocif se met donc en route. Certains individus se volent alors mutuellement le peu d’énergie qu’il reste en eux ; ils se siphonnent les réserves vitales, pensant (inconsciemment ou consciemment) que c’est la meilleure façon de se recharger. En réalité, il est assez évident d’admettre que deux êtres connectés font plus rapidement et plus sainement le plein d’énergie : ils se rechargent grâce à la chaleur humaine. Comme dans une période de pénurie matérielle, on peut voir que le vol semble parfois plus attrayant que de développer des collaborations dans le but de retrouver les ressources vitales manquantes.
C’est fou ce qui peut être gagné dans le partage et pourtant, en pleine pénurie de chaleur humaine, beaucoup se laissent aller dans l’idée de s’anesthésier le cœur pour ne plus à avoir à ressentir ce manque. Car oui, cette ressource énergétique fait appel à d’autres mécanismes plus complexes que sont les émotions. L’individualisme, qui reste une théorie abstraite générée par des mouvements socio-politiques, étouffe en soit les émotions, c’est un système qui appelle à ne plus souffrir mais en contre partie, ne plus s’adonner à de beaux sentiments. Pire encore, par une volonté socio-politique encore une fois, il conditionne peu à peu ses « infectés » à éteindre les flammes de la chaleur humaine chez leurs semblables afin de prendre les éléments métaphysiques qui pourraient remplir leur énergie vitale. C’est ni plus ni moins qu’un vol d’énergie à grande échelle qui se met en place dans un tel système social. Le processus devient si enraciné dans le quotidien et si intense au fil du temps, que les êtres humains ne se rendent plus compte de ses vols énergétiques constants (qu’ils volent les autres au détriment de leur bonne santé mentale), certains oublient même qu’ils ont besoin de cette chaleur entre eux. Enfin, d’autres finissent par perdre leur humanité en usant de leurs dernières ressources énergétiques, à force d’avoir essayé, en vain, de rentrer en synergie avec leurs semblables. A force de rechercher finalement de quoi s’alimenter en chaleur humaine, certains n’ont plus les ressources nécessaires pour se réapprovisionner énergétiquement.
Au fond de l’espèce humaine, il y a cette flamme qui brûle et qui persiste quand elle se couple avec une autre. Comme un feu qui se répand, la chaleur humaine peut gagner en vigueur mais peut aussi perdre de sa force. Je pense avec beaucoup de recul, qu’une société malade est surtout une société qui est en pénurie de chaleur humaine. L’individualisme est sans nul doute l’une des plus graves conséquences d’une volonté de garder un certain pouvoir et/ou un certain contrôle sur une société (dans le but de « diviser pour mieux régner »). Pour renverser la situation, il suffirait pourtant que chaque individu s’élance pour prendre dans ses bras la personne la plus proche. La chaleur humaine est encore plus forte quand il y a un contact physique. Donc, il faut recréer du lien pour répandre un peu de chaleur dans le cœur et l’esprit des êtres humains d’une société qui est devenue « individualiste ». Cela soignerait dans un temps mais sur le long terme, ne faudrait-il pas aller plus loin ? Car en effet, il faudrait en réalité déconstruction l’ingénierie sociale et les volontés politiques (la façon dont les sociétés sont modelées) qui poussent les individus à vouloir s’autosuffire dans le but de mieux les manipuler, mieux les contrôler.